Elle se promenait la tête baissée, comme à l’accoutumée, sans s’intéresser aux passants.
Le jardin enflammé par les nuances de l’automne lui présenta ses plus beaux arbres. Le velours des couleurs qui planaient avant de retomber, l’humide parterre de feuilles qui jonchaient le sol, la nudité, enfin, des arbres auxquels il ne restait que des boules de gui, tout cela contribuait à la ronde hermétique et impénétrable de la tristesse environnante.
Elle se promenait dans un parc qui tentait de la chatouiller par ses couleurs. Elle se promenait dans un parc orangé, dans un châle ocre. Tandis que les feuilles suivaient le vent le châle s’agrippait à son dos.
Elle termina son tour, ne se sentait pas mieux, et pris une douche.
« La douche de ce matin était froide, elle prend cette vilaine habitude. L’eau tombe, de haut en bas sans s’accrocher à mon corps. L’eau est chaude, la douche est froide. La température chute au contact de mon corps qui ne retient pas l’eau ni le souvenir de sa chaleur. La douche est inerte et mon corps bouge. L’inverse ne m’aurait pas étonnée. Je pourrais rester dans cette position-là, mais je dois faire mine d’avancer dans la vie. Comme cela m’est impossible. Je me livre et rien ne sort. Je m’accroche à mon cahier et rien ne sort. »
Elle perdait son vocabulaire. Vocabulaire fragile, peu abondant, rêche de sa pauvreté, limité dans sa force. Qui ne guérira pas, qui ne fleurira pas. La douceur de son âme ne sortira plus de son être.
Le souffle de l’ennui la menaçait. L’évocation intérieure d’une action la rebutait. Et l’élan vers un achèvement lui manquait tant il lui était difficile de ne pas se refermer.
Marche donc, petite !
Que faire de ce mal ? Impuissante qu’elle était, arbre sans fruit qui ne poussait plus. Aller au-delà d’un état maladif, embrasser la déchéance et l’espoir. Telle qu’elle était, telle qu’elle ne sera plus. La joue de l’infortune lui était tendue et elle avait été contrainte de la baiser. De ce rapprochement avec la tristesse, avec un malheur sournois, qu’allait-elle produire ?
L’apogée de sa folie de jeune fille perdue, l’étouffement par l’absence de perspectives, l’abîme de la vie à venir ; le désastre avait le champ libre pour s’épanouir.
Les feuilles mortes voilant la route, prenant le pas, collaient aux chaussures de Sophie. Elle marchait.
Elle marchait
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